Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » Il envoie deux de ses disciples en leur disant : « Allez à la ville ; un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre. Suivez-le, et là où il entrera, dites au propriétaire : “Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?” Il vous indiquera, à l’étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. » Les disciples partirent, allèrent à la ville ; ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la Pâque.
« Et au premier jour des Azymes, quand on sacrifiait la pâque, ses disciples lui disent : « Où veux-tu que, nous en-allant, nous préparions afin que tu manges la pâque ? » Nous voici au « premier jour des Azymes« , c’est-à-dire au cœur du sujet ou de l’évènement. On se souvient que le triptyque introductif est situé à trois jours de maintenant, comme d’ailleurs la conclusion nous amènera le troisième jour après cet évènement. Nous sommes au « jour J ».
Marc précise que ce « premier jour des Azymes » est aussi celui où l’on « sacrifiait la pâque« , c’est-à-dire où se faisait le repas de famille, présidé par le père de famille, où se commémorait la sortie d’Egypte, notamment par la consommation de l’agneau. La Torah connaît trois grandes catégories de sacrifices : les holocautes, hommage solennel où la victime est entièrement offerte au dieu, les sacrifices de communion, où la victime est partagée entre le dieu et les hommes qui en mangent une partie, et les sacrifices pour les péchés, offrandes réparatrices.
Le texte de l’Exode (Ex.12,1-14) explique le rituel : il s’agit d’un holocauste bien particulier, puisqu’il ne doit rien rester de l’animal comme dans un holocauste, mais au lieu qu’il soit offert au dieu entièrement, il est au contraire entièrement consommé par les hommes. Et le linteau et les montants des portes sont marqués du sang, de manière que la mort ne frappe pas les habitants de la maison : autrement dit, l’agneau est le seul qui, dans la maisonnée, soit frappé de mort, pour que tous les autres vivent et soient épargnés. Mais il est non seulement frappé mais disparaît entièrement, consommé par les membres de la maisonnée.
C’est un mémorial auquel on ne manque jamais, et même la pâque est devenue une fête de pèlerinage, c’est-à-dire que la coutume s’est instaurée de se rendre à Jérusalem à cette occasion. Ce n’est pas une obligation, mais cela fait partie de la solennité de la fête. Les disciples se préoccupent donc de célébrer la pâque, c’est une évidence pour tous, en conséquence de quoi la question n’est pas « est-ce que…? », mais tout simplement « où…? », tant il est évident que la chose fait consensus. Et il y a une autre chose qui fait si bien consensus qu’elle n’est pas formulée, c’est que le groupe de Jésus et de ses disciples fonctionne comme une famille, dont Jésus serait le chef : de là cette formulation « afin que tu manges la pâque« . Non que Jésus soit le seul à célébrer cette fête, mais tous le feront sous sa présidence.
Notons tout de même que, dans l’évangile de Marc, c’est la seule et unique fois où l’on voit Jésus (et ses disciples) célébrer une fête rituelle.
« Et il envoie deux de ses disciples et leur dit : « Rendez-vous dans la ville, et viendra à votre rencontre un être humain portant une jarre d’eau. » Jésus choisit de ne pas rester sur place, mais d’honorer la dimension « fête de pèlerinage », il envoie deux disciples à Jérusalem, c’est là que les choses se passeront. Plutôt que de longues explications, Jésus invite les deux envoyés à être attentifs à qui ils rencontreront. A leur encontre viendra « un être humain portant une jarre d’eau« , homme ou femme. Si c’est une femme, ce n’est pas très étonnant, si c’est un homme, c’est sans doute moins fréquent, mais dans les deux cas, c’est un fait banal, là où il n’y a pas d’eau courante. Donc, ce n’est pas tout-à-fait le premier venu ou la première venue, mais on n’en est pas loin.
Il est tout de même notable que la question, aussi simple soit-elle, se résolve par une rencontre : il y a là une ouverture et en même temps une remise de soi qui fait exemple.
« Suivez-le et là où il entrera, dites au maître de maison que le maître dit : « Où est ma salle de réception où avec mes disciples je mangerai la pâque ? » Quelqu’un qui va chercher de l’eau, la rapporte a priori chez lui, où dans la maison en laquelle il vit. Le duo est invité à se laisser conduire jusqu’à celle-ci, où qu’elle soit. Parleront-ils à celui qu’ils suivent ? Rien ne l’empêche, rien ne le prescrit.
En revanche, une fois arrivés, ils s’adresseront cette fois au maître de maison, au décideur. Mais ils parleront au nom « du maître », sous-entendant ainsi qu’il est non seulement le leur, mais aussi le maître de celui à qui ils s’adressent. Et c’est à celui-là qu’ils poseront la question qu’initialement ils ont posée à Jésus : « où…? »
La recherche du lieu ne ressemble pas vraiment à ce dont nous avons l’expérience en matière de salle pour faire la fête ! Aujourd’hui, quand on prospecte par exemple pour une salle de mariage, il faut s’y prendre avec plus d’un an d’avance, parfois deux (cela dépend des régions). Et l’on prend rendez-vous, l’on visite, l’on se demande si cela va convenir, l’on essaye ailleurs, l’on demande des devis, l’on réfléchit, et finalement, souvent par voie de compromis, on se décide et on réserve. Mais là, cela semble d’une simplicité étonnante, alors même que, rappelons-nous, la population de Jérusalem pouvait doubler à l’occasion de cette fête…

« Et lui vous [en] indiquera à l’étage supérieur une grande préparée pour passer à table. Et là, préparez pour nous. » Il y aura bien une salle de réception dans cette maison, elle sera à l’étage, et elle sera déjà prête pour un repas. Les préparatifs que les deux disciples auront à faire seront donc minimalistes, probablement de ceux qui différencient un repas de fête ordinaire (si l’on peut dire) à celui de la pâque. Une simple adaptation, en quelque sorte.
« Et les disciples sortirent et allèrent dans la ville et trouvèrent comme il leur avait dit et préparèrent la pâque. » Et voilà que tout se passe comme annoncé. Les disciples ont trouvé un lieu, et ils ont trouvé en faisant comme Jésus le leur avait indiqué.
Je ne suis pas sûr qu’il faille conclure que Marc nous présente un Jésus avec un don de double-vue, ou quelque don extraordinaire de ce genre. Tout s’est passé, me semble-t-il, comme s’il s’en était remis, non au hasard, mais à la providence. Sans doute la Pâque est-elle une fête dont le sens est si proche de ce qu’il a compris de sa mission, qu’il ne peut douter que tout soit fait pour que sa célébration soit possible. Dans la recommandation aux disciples, je trouve surtout une remise de soi et des siens totale, entre les mains du dieu provident de qui plus que jamais il veut dépendre, à qui il veut tout entier appartenir, pour l’accomplissement de sa volonté. La conclusion que cela a « marché », comme on dit, montre qu’en effet, le dieu est au rendez-vous, qu’il conduit bien les choses, qu’on peut se fier à lui.
Bonjour,
Je ne suis pas sûre que Jésus ignorait chez qui il fêterait la Pâque avec les siens. C’est peut-être juste qu’il n’en connaissait pas l’adresse. On peut penser que de tous ceux qui sont venus l’écouter quand il prêchait dans les villes et les villages, l’un d’entre eux lui ait proposé de venir chez lui quand ce sera la fête. Jésus répondrait donc à une invitation comme il le fait le plus souvent, plutôt que de s’inviter.
Bon courage
Brigitte
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C’est en effet l’avis d’un autre évangéliste, Matthieu, qui recommande aux deux qu’il mandaté : « allez à la ville, chez Un tel, et dites-lui… » (Mt.26,8). Mais Marc ne propose rien de semblable, ce me semble, et donne ainsi un côté extraordinaire à la chose.
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