De saison… (Mc.11,12-14)

Le lendemain, quand ils quittèrent Béthanie, il eut faim. Voyant de loin un figuier qui avait des feuilles, il alla voir s’il y trouverait quelque chose ; mais, en s’approchant, il ne trouva que des feuilles, car ce n’était pas la saison des figues. Alors il dit au figuier : « Que jamais plus personne ne mange de tes fruits ! » Et ses disciples avaient bien entendu.

« Et le jour d’après, quand ils sortaient de Béthanie, il eut faim. » L’épisode raconté par Marc est clairement rattaché par lui à l’épisode précédent, nous sommes « le jour d’après« . La formulation laisse nettement entendre une idée de conséquence : une fois qu’a eu lieu l’entrée royale à Jérusalem, une fois qu’elle a été délibérément mise en scène par Jésus dans l’idée sans doute d’entraîner prêtres, Pharisiens et Hérodiens dans le mouvement populaire de reconnaissance de Jésus, une fois aussi que ces derniers ont brillés par une absence totale, signifiant un refus lui aussi délibéré d’entrer en discussion, la situation est désormais nouvelle. Mais cette fois, Jésus est à Jérusalem, et la confrontation dramatique doit se poursuivre sur ces bases-là.

Jésus sort de Béthanie, où il a sans doute pris ses quartiers. Ce n’est pas loin du tout de Jérusalem, il suffit de revenir vers Bethphagée et le Mont des Oliviers et de nouveau on est dans la ville. Ce qui est plus curieux, c’est qu’au sortir de ce lieu où il a dormi, il ait faim : cela laisse entendre qu’on ne l’a pas nourri. Il n’a peut-être pas, pour Marc, été logé chez quelqu’un.

« Et voyant de loin un figuier qui avait des feuilles, il vint [voir] si par chance il trouverait quelque chose en lui, mais après être venu, il ne trouva rien sur lui sinon des feuilles, en effet ce n’était pas l’époque des figues. » Voici maintenant un figuier. Ces arbres peuvent être en effet très grands, en tous cas ils se repèrent assez facilement à cause de feuilles très reconnaissables et très grandes. Les figuiers poussent en des endroits très inattendus, y compris dans les murs ; mais ils sont aussi cultivés. Rien d’exceptionnel donc à la présence d’un figuier. En revanche, il est à noter que les feuilles du figuier sont photosensibilisantes : le contact avec la peau suivi d’une exposition au soleil peut provoquer des inflammations ou des brûlures, parfois assez sérieuses.

Mais ce ne sont pas les feuilles qui sont recherchées : « …il vint [voir] si par chance il trouverait quelque chose en lui,… » Dans l’arbre, ce sont les fruits qui sont recherchés. Aussi bien ne peut-on pas le savoir sans s’en approcher : les feuilles se reconnaissent de loin et font voir que l’arbre est vivant, mais les fruits sont un peu cachés sous les feuilles, ils faut être proche de l’arbre pour les voir, et même soulever un peu les feuilles. Les fruits sont « à l’intérieur » de l’arbre, en quelque sorte, d’où sans doute le « en lui » de Marc.

Or de fruits, il n’y en a pas : « mais après être venu, il ne trouva rien sur lui sinon des feuilles, en effet ce n’était pas l’époque des figues. » Il s’est approché, il a fait le déplacement, mais il n’y a que des feuilles. Il peut y avoir deux raisons pour que le figuier n’ait pas de fruits. La première est que les inflorescences ont pu ne pas être fécondées, c’est une particularité du figuier. S’il n’est pas dans une certaine proximité avec un autre, qu’il ne peut pas y avoir d’échanges entre les figuiers « mâles » et les figuiers « femelles », pas de fruits. L’autre raison est tout simplement la saisonnalité. Il y a normalement des figues au printemps, avec les inflorescences de l’automne, et des figues à la fin de l’été et à l’automne, avec les inflorescences du printemps. Marc sous-entend que le figuier n’est pas isolé, et que l’absence de fruits est due à la deuxième raison.

« Et se distinguant il lui dit : « Plus jamais dans l’éternité que de toi personne ne mange de fruit. » Et ses disciples entendaient. » La réaction de Jésus est tout-à-fait étonnante, et ne sera expliquée dans le texte de Marc que plus tard. En général, quand on ne trouve pas de fruits sur un arbre, on se dit « dommage ! », et si l’on connaît un peu, on comprend qu’on n’est pas venu au bon moment, « je reviendrai plus tard », ou « je suis arrivé trop tard ». Mais Jésus semble rendre l’arbre responsable, comme si la saison des fruits devait être déterminée par sa venue à lui ! L’arbre devait avoir des fruits au moment où lui, Jésus, s’approcherait, et il n’a pas fait ce qui était attendu.

Subséquemment, le figuier est puni : « Plus jamais dans l’éternité que de toi personne ne mange de fruit. » A vrai dire, ce n’est pas le figuier qui est puni, mais toute personne qui voudrait en tirer de quoi manger : que pour l’éternité, pour toujours, nul ne puisse se nourrir de cet arbre, puisque lui, Jésus, n’a pas pu le faire. Il ne portait pas de fruit par raison de saisonnalité, il n’en portera plus par raison de fécondité.

On peut avoir des raison d’être consterné par cette réaction, qui semble disproportionnée et déraisonnable. On pense au roi Xerxès Ier faisant fouetter la mer parce qu’une tempête avait brisé le pont de bateaux qu’il avait fait ériger sur l’Hellespont pour franchir le détroit. Du reste, « Et ses disciples entendaient. » nous laisse deviner une certaine consternation chez les disciples devant cette réaction, qui les marque. Le maître est-il de mauvaise humeur à cause de ce qui s’est passé la veille ?

La veille…. Peut-être y a-t-il en effet un lien, d’ordre plus symbolique. Car la veille, comme pour le figuier, Jésus s’est approché de Jérusalem, mais n’y a rien trouvé. Et il est parti pour retourner à Jérusalem, en quittant Béthanie : mais c’est comme s’il ne trouverait encore pas de fruit dedans. C’est comme si Marc mettait en évidence un signe de la vanité de toute cette entreprise. De même que dans Jérusalem et dans le temple même, Jésus n’a trouvé ni Pharisien, ni scribe, ni prêtre, ni partisan d’Hérode, de même dans cet arbre il n’y a pas de fruit. Et si l’arbre est difficilement comptable de sa saisonnalité, les hommes eux auraient dû reconnaître que le moment de manifester leur « fruit » est venu quand Jésus est là. Le figuier est peut-être le symbole du refus délibéré des Pharisiens et de leurs partisans…

2 commentaires sur « De saison… (Mc.11,12-14) »

  1. Bonjour,
    Merci pour ce commentaire du figuier qui ne donne pas de fruit à Jésus quand il vient. J’ajouterai simplement que le fruit du figuier est forcément une figue. Le fruit d’un homme, quel est-il ? Et le fruit d’un peuple ?
    Belle pentecôte à toi et à ta famille.

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    1. Merci Brigitte, heureux de te retrouver !
      Tu as raison, le figuier donne des figues : je suppose que, par conséquent, on attendrait d’un être humain…. un peu d’humanité ? Nous conduis vers un humanisme chrétien, merci.

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