Danser sur les vagues (dimanche 13 août).

Le texte de l’évangile, sur le site de l’AELF

Nous sommes de retour en arrière dans l’évangile de Matthieu, juste après la première multiplication des pains. J’ai déjà commenté deux fois ce texte, la première fois, j’ai essayé de faire ressortir comment la mission doit se garder de fausses pistes Illusions, et la deuxième fois, j’ai essayé de faire voir comment Jésus tient à garder une relation immédiate avec chaque personne, sans passer nécessairement par d’autres personnes humaines : il force ses disciples à monter en barque pour s’occuper de renvoyer les foules Un vent de liberté. Cette fois, je voudrais m’intéresser directement à cette fameuse marche sur la mer.

Gustave Doré, Jésus marche sur l’eau.

Le texte dit nettement : « Or à la quatrième veille de la nuit, il vint à eux en se promenant sur la mer. » C’est Jésus qui vient : il a forcé ses disciples à monter en barque et à le précéder sur l’autre rive, à le laisser seul avec les foules, qu’il a ensuite renvoyé à sa manière, puis il est monté sur la montagne, à part, prier. tout cela a pris un certain temps, sans doute ; mais « sur le tard, seul il était là. » Celui qui vient est donc celui qui a renvoyé tout le monde : d’abord ses disciples, avec contrainte, puis les foules -on imagine, plus doucement- et qui vient de passer du temps en prière sur la montagne.

Le temps est long : même si c’est « sur le tard » que Jésus a enfin obtenu des foules qu’elles le quittent et rentrent, c’est-à-dire une fois la nuit tombée, nous sommes maintenant « à la quatrième veille de la nuit« , la dernière, celle où le jour va se lever. C’est toute une nuit que Jésus a prié… et c’est toute une nuit que les disciples ont ramé !

C’est le moment de nous intéresser « à eux« , puisqu’il vint « à eux« . Ils sont partis bien avant la tombée de la nuit, forcés à partir par Jésus. Or ce sont des marins, pour plusieurs d’entre eux, des gens aguerris, amarinés comme on dit. On ne sait pas trop à quelle époque de l’année on est, mais on peut estimer que cela fait bien une douzaine d’heures qu’ils luttent. Le texte dit que « le bateau (il ne s’agit pas d’une barque, le mot est de la catégorie d’au-dessus), était déjà retenu à de nombreux stades de la terre éprouvé par la houle, le vent était en effet contraire. » Ils se battent depuis douze heures, avec toute la technicité qui est la leur, mais rien à faire, ils sont au milieu de nulle part en pleine mer. On parle tout de même d’un lac de 166 km2, 21 km de long sur 13 de large, d’une profondeur moyenne de 26 m. Etre en difficulté au milieu d’une telle masse d’eau, c’est être en danger.

Le temps a dû leur paraître bien long, ils ont dû se sentir bien seuls ; nul doute qu’ils n’aient repensé à l’obligation qui leur avait été faite de quitter. Ils n’auraient pas été en un tel danger s’ils avaient suivi leur propre vouloir. La mort menace, elle va les prendre en pleine mer, justement dans l’élément avec lequel ils sont plutôt familiers, et pour avoir obéi à Jésus contre ce que leur dictait leur instinct ou leur savoir : quelle absurdité ! Et où est-il, Jésus, pendant ce temps-là ? Ils se souviennent sûrement de cette fois (Mt.8,23 sq) où, endormi dans le bateau, il avait apaisé d’un mot la tempête qui les menaçait. Cette fois, ils sont seuls. Où est-il, Jésus ?

Mais à la pointe du jour, il vient à eux. Contraste saisissant : eux ne vont nulle part, ils n’avancent pas, mais lui vient à eux. C’est justement quand ils font l’expérience ne ne plus parvenir à avancer, de ne plus pouvoir atteindre le moindre objectif, qu’ils font aussi l’expérience qu’il vient à eux.

Et il vient « en se promenant sur la mer » : le participe [péripatoon] signifie à proprement parler circuler (dans le préverbe [péri-], il y a l’idée de autour, du cercle), aller et venir, se promener (éventuellement en discutant) : il n’y a aucune idée de difficulté, mais il n’y a pas non plus d’idée de but précis. Ni les difficultés qui bloquent les disciples ne le gênent en rien, ni n’est-il focalisé sur leurs difficultés. Comme si, pour lui, elles étaient déjà dépassées. Ce qui compte, c’est de les rejoindre, d’être avec eux. Les conditions sont déjà surmontées. C’est comme s’il dansait sur les vagues.

Comment cela se fait-il ? Les disciples l’ignorent, mais pendant tout le temps où ils ramaient, pendant ces longues heures de solitude affrontés au danger et environnés par la mort, lui priait. Il était avec son père, mais manifestement pas loin d’eux. La force de sa prière était le grand barrage contre la mort, ce qui les empêchait d’être submergés. Ils ne le savent pas, mais lui oui, et la confiance est à ce point complète pour lui qu’il ne se soucie pas même de les rassurer, il vient en dansant sur les vagues.

Il me semble que tout cela peut nous aider, les transpositions sont aisées et les applications si nombreuses. Si nombreuses les situations où nous sommes dans la nuit, face à la difficulté, face à l’absurdité, face à la mort même. Avec l’impression évidente qu’il n’est pas là, que nous sommes seuls…. Il prie pour nous : regardons-le danser sur les vagues.

2 commentaires sur « Danser sur les vagues (dimanche 13 août). »

  1. Tu imagines bien Benoît comment j’adhère à ton commentaire ! Devant la mort qui rode, je ressens profondément que « Dieu me fait marcher sur la mer » et me tient debout ! Et si j’oublie qu’Il me tend la main, si je perd confiance, je coule immédiatement …
    Mais alors, lui qui a pouvoir sur les éléments, ne pourrait-Il pas « aller plus loin » et me guérir ? Oui, j’ai espéré, lors de la soirée Raphaël !
    En attendant, Il prie pour moi et me soutient, je Le regarde danser sur les vagues !
    Et merci à toi de me soutenir aussi par tes commentaires (entre autres choses 😉

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