Le texte de l’évangile, sur le site de l’AELF.
L’évangile de ce dimanche, c’est bien évident, n’a rien à voir avec celui de dimanche dernier ni non plus avec celui du dimanche précédent. On le retrouve néanmoins avec plaisir, tant il est superbe et inspirant. Faisons simplement l’effort de nous replacer dans l’univers de Luc, et de ne pas « écraser » les évangiles comme s’ils n’étaient qu’une vaste soupe sans caractère. J’avais précédemment cherché à donner une vue générale du passage, qu’on pourra trouver en cliquant sur le lien suivant : Quand chacun donne sa parole.
Je trouve toujours fascinant la multiplicité des noms, et la manière donc Luc (qui maîtrise un véritable art littéraire) le souligne. A part David, que tout lecteur de la bible hébraïque connaît, tous les noms sont nouveaux : Gabriel, la Galilée, Nazareth, Joseph, Marie : tout cela inaugure un nouvel univers, une nouvelle histoire. Et tout cela achemine à un but bien précis, la révélation d’un nom à la fois ancien et nouveau, donné à un bébé à naître, Jésus. Ancien, parce que ce nom est dans le fond le même que celui de Josué, d’Osée, d’Isaïe. Mais nouveau, parce qu’il prend une forme inconnue jusqu’alors, une sonorité propre. Nous entrons donc dans du neuf.
Et surtout, ce nom de Jésus reçoit une nouvelle charge, un nouveau poids, grâce à un maillage de citations de la bible hébraïque : « celui-là sera grand et sera appelé fils du très-haut et le seigneur dieu lui donnera le trône de David son père, et il règnera sur toute la maison de Jacob pour les siècles et son règne ne sera pas fini. » C’est-à-dire que celui qui n’a pas de nom, et qui dès le début du texte est nommé « le dieu », celui-là reçoit, en un bébé désigné comme son fils, un nom. Il n’a pas de nom, parce qu’il ne fait pas nombre avec tous les êtres, il est à part. Pas besoin de le distinguer de nul autre par un nom, il est trop à part, trop unique. Mais dans cette naissance, il vient faire nombre avec nous, et avec toute chose !
Je crois que célébrer Noël, comme nous avons commencé de le faire depuis trois semaines maintenant, avec cet évangile, c’est célébrer l’évènement par lequel « le dieu » est désormais l’un de nous, par lequel il est désormais nommable, si j’ose dire. Il est accessible, il est là, à portée de main. Et d’un coup, tout ce que nous avons entendu ces semaines précédentes, toute cette invitation de plus en plus marquée à nous tourner vers les autres, à y chercher le mystère, à les regarder comme le chemin du dieu vers nous et le chemin de nous jusqu’à lui : tout cela reçoit une justification nouvelle, mais d’une intensité imprévisible et d’une portée incalculable ! Oui, il est bien lui-même présent. Le monde, ce monde, notre monde, n’est pas un vaste piège dont il faudrait nous tirer, nain non plus un mauvais lieu dont il faudrait s’arracher : c’est le berceau même du dieu, c’est le lieu où il repose. A nous de l’y chercher.

Je suis aussi frappé par ce « sixième mois« , qui revient deux fois. Luc est le seul à avancer des repères de temps, il situe la naissance du Baptiste et celle de Jésus à six mois d’intervalle. Il le redit deux fois, à l’entrée de ce texte, comme un lien avec le récit précédent, et vers la fin, comme dans un encouragement de Gabriel à Marie, « et voici le sixième mois pour celle qui était appelée la stérile. » Pourquoi six mois ? Pourquoi ce choix ? Je crois que nous le comprenons de nous-mêmes quand nous comparons le vingt-quatre juin au vingt-quatre décembre (même si ces dates aussi sont tout-à-fait fantaisistes en ce qui relève de la datation historique !) : ce sont des antipodes ! Le renversement est là aussi marqué ! La nouveauté avec la naissance du bébé appelé Jésus va être absolument nouvelle au regard de la naissance de Jean. comme les planètes sont renversées, ainsi les points de vue sont renversés : il faut désormais chercher le très-haut très bas. Et toute la créature est assumée en son créateur.
Une dernière chose. L’ange achève son message avec la conclusion suivante : « […] parce qu’aucun mot n’est impossible du côté du dieu« . A quoi Marie répond : « Voici l’esclave du seigneur : que m’advienne selon ton mot. » Dans cet échange de mots, du côté du dieu qui chercher à se rendre accessible, qui veut à toute force venir au milieu de ses créatures, rien d’impossible. Il dit ce qu’il veut, et pourtant cela ne suffit pas. Quant à la réalisation de l’impossible, c’est fait. Et pourtant il ne veut pas le faire sans le consentement et la coopération de cette même créature. Et ce consentement est la simple disposition de soi à l’impossible-qui-n’est-pas-impossible. L’impossible le reste de notre côté, si nous ne nous y ouvrons pas : quelle leçon d’espérance !
Je réagis avec 3 ans de retard 😉 Comme tu nous y invites, j’ai lu ton commentaire précédent (je ne te connaissais pas alors !) Et j’ai été bouleversé par cette traduction: Marie, « celle qui-a-été-mise-dans-ses-pensées ». Jusqu’à présent, je ne voyais qu’un « lien contractuel » entre Joseph et Marie, et donc je ne comprenais pas très bien la dévotion à Joseph (même s’il a courageusement accepté les évènements !). Mais avec cet amour véritable suggéré par « celle qui-a-été-mise-dans-ses-pensées », l’acceptation de Joseph prend une toute autre dimension, un renoncement encore plus fort et sans doute combien douloureux ! Et puisque l’année qui commence a été dédié à Saint Joseph, je la vivrai différemment grâce à la découverte que tu m’as permis de faire ! Merci Benoit !
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Ah bon ? Une année dédiée à saint Joseph ? Ça commence quand ?
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8 décembre 2020 au 8 décembre 2021
https://www.paris.catholique.fr/annee-speciale-dediee-a-saint.html
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👍🏻 Merci ! C’est une bonne nouvelle !
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