Départ : dimanche 10 janvier.

Le texte de l’évangile, sur le site de l’AELF.

Je vais partir, Maman.

– partir ? Que veux-tu dire, mon fils ? Tu as un ton grave cette fois-ci…

– Oui c’est vrai : pardon, je ne veux pas t’inquiéter. Mais je quitte la maison, l’heure est venue je crois, je le sens. Je le sais.

– C’est possible, je te crois. Et comment le sais-tu ?

– C’est à cause de Jean, le baptiseur.

– Tu es allé le voir ?!

– Oui. Depuis que nous avons entendu qu’il s’était arrêté à l’embouchure du Jourdain, aux portes du désert, et que là des foules venaient l’écouter, j’avais envie d’aller l’entendre.

– Et alors ? Qu’en as-tu pensé ? Es-tu sûr que c’est seulement de l’entendre que tu avais le désir ?

– Non, pas seulement, tu as raison. J’avais envie d’être avec toute cette foule, tous ces gens qui attendent humblement mais intensément quelque chose du dieu. Il y avait, à part, les Pharisiens et ceux du parti des prêtres, tu sais : ceux qui se mettent toujours à part, justement parce qu’ils disent qu’ils sont justes et sans péchés. Ils ne veulent pas être contaminés en se mêlant aux autres. Jean leur disait des choses aussi à eux, mais leurs visages ne manifestaient pas beaucoup d’écoute. La foule, en revanche, était si attentive aux mots de Jean ! Ils ne craignaient pas, ces gens-là, de se reconnaître pécheurs, et c’est vraiment avec eux que je me sentais à ma place.

– Tu m’étonnes mon fils ! Tu te sentais pêcheur ? …

– Eh bien… C’est difficile à dire, Maman. Aussi loin que je peux regarder, j’espère être tout-à-fait ajusté à ce dieu que Papa et toi m’avez fait connaître, et en compagnie duquel vous m’avez appris à vivre et grandir. Mais tu vois, il me semble que la justesse, c’est précisément de garder cette attention ouverte, de rester dans ce tremblement d’amour, cette intranquilité d’être dans une relation sans nuage avec lui.

– C’est tout-à-fait ça, mon fils. Je crois que ton père aurait été heureux de t’entendre dire des choses comme ça. Je vois son regard intense te fixer, avec beaucoup d’amour, avec une surprise admirative, et aussi un silence qui te laissait toujours inventer.

– Oh oui, Maman, je le vois moi aussi. Et j’ai beaucoup, beaucoup, pensé à lui au Jourdain. Tu vois, Jean proposait à ceux qui voulaient, à ceux qui se reconnaissaient pécheurs, pour marquer qu’ils étaient lavés de tout péché et qu’ils repartaient avec notre dieu dans une relation renouvelée, de se plonger dans le Jourdain. Il descendait avec eux dans le fleuve, et il leur appuyait sur la tête pour les plonger entièrement dans le fleuve : le courant est très fort, à cet endroit, puisque c’est l’embouchure, et on sent vraiment que le fleuve emporte tout au loin. Dans la Mer Morte.

– Et alors ? Ton père ?

Georges de La Tour, Saint-Joseph charpentier. (1642) Huile sur toile 137 x 102. Musée du Louvre, Paris. Le père prépare un madrier (peut-être un angle qui évoque une croix…), il travaille les yeux fixés sur son fils d’où lui vient sa lumière. Son fils à son tour apprend de lui, il regarde son père et construit son être dans sa confiance et son amour.

– Je suis sûr qu’il l’aurait fait : autant pour affirmer dans son cœur qu’il voulait être dans une relation sans nuage avec le dieu, que pour être un, tout petit, parmi les autres. Alors j’y suis allé. J’y suis allé poussé par une envie irrépressible d’être proche d’eux tous, de tous ces gens simples et si désireux de se rapprocher du dieu. J’avais le sentiment de tous les emporter avec moi, de me livrer pour eux. J’étais un parmi les autres, et j’étais tous les autres, j’étais tous. Et j’ai voulu ouvrir mon cœur au dieu assez large, assez vaste, pour qu’il puisse les rejoindre tous.

– Mon fils, je suis très ému. Tu es… toujours si attentif aux autres, toujours si prêt à t’engager pour eux. Que le dieu accomplisse tous les projets de ton cœur ! Qu’il réponde à ton désir pour tout son peuple !

– Tu te rappelles, Maman, comme Papa citait souvent les Ecritures, comme il les connaissait par cœur ? Dans la situation où j’étais, et peut-être à cause de Jean qui disait d’aplanir les montagnes pour rendre directs les chemins de dieu, j’avais au cœur la parole d’Isaïe : « On dirait que jamais tu n’as régné sur nous que jamais nous n’avons été désignés de ton nom. Ah! Puisses-tu déchirer les cieux et descendre! Puissent les montagnes s’effondrer devant toi!« .

– Ah ! Je me rappelle la fois où nous priions ensemble en famille et qu’il avait dit cela, et que nous l’avions répété ensemble. Quel moment ç’avait été !…

– Mais là, tu vois Maman…. c’est ce qui est arrivé.

– Que veux-tu dire ? Comme ça ?

– Dès que je suis remonté sur la berge, j’ai vu le ciel se déchirer, et un souffle comme une colombe descendre sur moi. Une sorte d’ouverture soudaine, pleine de lumière, très haut dans le ciel, et une apparence de colombe, blanche, le regard brillant, voler jusqu’à moi dans un souffle, jusque dans mes yeux où elle s’est comme absorbé comme ce souffle me prenait en plein visage.

– Oh ! Qu’a dit la foule ? Qu’a-t-elle fait ?

– Rien. Il n’ont rien vu. Jean n’a rien vu non plus. C’était juste une vision pour moi. Et pareil pour la voix.

– La voix ? Quelle voix ?

– Une voix qui venait d’au-dessus, d’en haut elle aussi.

– Elle t’a dit quelque chose en particulier ?

– …

– Tu ne veux pas me dire ?

– La voix a dit : « Toi, tu es mon fils, l’aimé, en toi je me suis reconnu. »

– Comme ta voix tremble, mon fils, en redisant ces mots…

– Maman ! Tu sais bien que c’est Papa qui m’appelait comme cela : « Mon fils, mon aimé« . Et tu sais comme il me disait, quand j’avais fait quelque chose qui touchait son cœur, « je me suis reconnu« . Maman, j’ai cru l’entendre ! Ces mots m’ont touché, non : ils m’ont bouleversé. Parce que ce n’était pas Papa qui me les disait cette fois. Mais c’est comme si Papa me les avait dit avant pour que je les entende avec toutes mes fibres !! C’est comme si notre dieu disait qu’il était lui-même mon papa !… Et il s’est reconnu lui-même dans ces désirs qui m’animaient, et que je t’ai dits !

– Je pense que tu ne trompes pas… mon fils.

– Alors voilà, Maman : je suis revenu chez Papa et toi, mais je pense que c’est la dernière fois. Il faut que je sois maintenant avec ce papa-là. Papa m’a appris à construire et réparer des maisons, maintenant je dois travailler à sa maison à lui, à mon papa d’en-haut. Et je dois dire à tous qu’il est papa, mon papa. J’ai le cœur tout plein de ce que vous m’avez donné tous les deux, c’est un réservoir sans fin pour les âges nouveaux que vous m’avez légués. C’est de votre amour que ma bouche va déborder.

– Va ! Mon fils…. Ton père et moi, nous serons toujours à tes côtés. Et quoi qu’il arrive, nous serons là, sur ton épaule et dans ton cœur. Va !

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